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Itw de Bertrand Beaudichon : des inflations à prévoir de +15% sur la TV et +20% sur la Publicité extérieure au 4ème trimestre 2020

Itw de Bertrand Beaudichon : des inflations à prévoir de +15% sur la TV et +20% sur la Publicité extérieure au 4ème trimestre 2020
Depuis plusieurs semaines, Initiative, avec Magna (IPG Mediabrands) fournit pour ses clients de nombreuses données sur les médias et la consommation en période de confinement. Bertrand Beaudichon, CEO d’Initiative France, nous détaille ses points de vue sur les tendances qui vont toucher les médias, les agences et les annonceurs. A moins de 2 semaines de la fin théorique du confinement, il extrapole également sur la reprise de valeur des médias.
 
100%MEDIA : Initiative, avec Magna, publie chaque semaine plus de 40 pages sur les données médias et consommation des Français en confinement. En quoi ces insights orientent vos clients dans la mesure où les investissements publicitaires sont fortement ralentis ?
 
Bertrand Beaudichon : D’abord, ils leur permettent de réévaluer leur décision de coupure budgétaire, de voir en temps réel les effets qu’elle peut avoir ou pas sur la considération ou l’image de leur marque, et de s’inspirer de ce que d’autres font pendant cette période de crise pour renforcer leur rôle sociétal. Et, depuis le début de cette crise, on observe une réactivité très forte des items de marques aux initiatives que certaines prennent, ou à l’utilité sociétale qu’elles démontrent.
 
Ensuite, ils leur permettent d’identifier d’éventuelles opportunités de reprise de parole, et de démontrer à leur hiérarchie internationale qu’il y a moyen de tirer un réel profit pour leur marque d’une consommation média inégalée et de conditions tarifaires exceptionnelles, et aller négocier une reprise des investissements dès maintenant.
 
Enfin, ils donnent un éclairage sur l’avenir de la consommation des médias, une fois la crise passée. En effet, on assiste en ce moment à une explosion de la durée d’écoute de la Télévision linéaire, notamment chez les plus jeunes qui la délaissaient massivement depuis quelques années au profit du décalé ou des plateformes vidéo. Les enfants et les adolescents auront sûrement, une fois la crise passée, un regard plus bienveillant sur ce média. Également, on assiste à une très forte poussée des abonnements numériques à la presse. S’ils avaient du mal à s’inscrire dans les usages auparavant, le besoin d’une information digne de confiance pendant cette crise aura enfin durablement permis à la presse de monétiser son audience digitale.
 
100%MEDIA : Quels sont les comportements média qui vous surprennent le plus dans cette période ?
 
B-B : Ce qui me surprend le plus, dans tout cela, c’est l’extraordinaire capacité de résilience de l’écosystème média et du monde de la communication, et sa capacité à s’adapter rapidement. Les médias se sont organisés en un temps record pour continuer leur mission d’information et de divertissement, souvent dans des conditions de production épouvantables, et malgré des rédactions réduites par le chômage partiel. Les régies, alors même qu’elles ont subi des chocs économiques inégalés jusqu’alors et bien plus que leurs homologues européens, ont démontré leur capacité de réactivité et d’accompagnement des marques. Elles ont réussi, dans une très large mesure, à s’aligner sur des positions communes par média, mais également entre les médias. Elles doivent être saluées pour cela, et nous, annonceurs et agences, devront nous en souvenir lorsqu’elles chercheront à rattraper ce qu’elles sont en train de perdre en ce moment. Parce que si cette période démontre une chose, c’est que les Français ont besoin des médias quand tout s’arrête autour d’eux. De contenus, et pas seulement de tuyaux.
 
L’écosystème des agences a également fait montre d’une immense capacité de mobilisation et de démonstration de sa valeur, pendant cette crise. Côté créatif, les agences de publicité, rapidement aidées par des règles largement adaptées de l’ARPP, ont réussi en deux semaines à changer les messages de marque pour les adapter au contexte, et renforcer l’utilité sociétale des annonceurs qui ont souhaité reprendre la parole. En des temps records, aussi, et malgré des équipes souvent réduites et des conditions de travail inédites, les agences médias ont tout coupé, tout reprogrammé, tout renégocié, tout replanifié, et se sont mises à revoir leurs stratégies pour préparer la suite.
 
L’ensemble des acteurs de cet écosystème a fait des petits miracles chaque jour, et s’est formidablement serré les coudes. Le monde de la communication et des médias en ressortira plus fort après, et la valeur du contenu sera renforcée, c’est certain.
 
100%MEDIA : Quel(s) médias devraient rebondir le plus rapidement  selon vous ?
 
B-B : Nous ne prévoyons pas de réelle reprise de la consommation avant au moins le quatrième trimestre de cette année. Les médias qui s’en sortiront en premier seront donc, comme je l’ai dit, ceux qui continueront à délivrer un contenu fiable et vérifié, et qui véhiculent le mieux les messages de marque à vocation servicielle ou sociétale. Les médias de trafic, comme la radio ou le search, devront certainement attendre plus longtemps. C’est d’ailleurs ce que confirme le récent Observatoire de l’UDM, qui montre que 75% des annonceurs de l’UDM ont essentiellement des projets de communication d’image à vocation RSE, bien plus que la génération de ventes à court-terme.
 
100%MEDIA : Que dire de la TV qui, après avoir connu des audiences record, va se retrouver en manque de contenu frais et sans événement sportif au moment de remplir ses écrans ? Quel est votre pronostic sur la publicité extérieure, seul média privé de son audience pendant le confinement ?
 
B-B : Selon nos estimations, la télévision aura connu pendant ces deux mois de confinement une baisse de chiffre d’affaires de l’ordre de 60%, et nous ne prévoyons pas de reprise réelle avant le quatrième trimestre. Dans l’incapacité de produire de nouveaux contenus frais, les chaînes ont dû revoir rapidement leurs grilles en l’adaptant à la crise, mais sans pouvoir les monétiser. A cela va se rajouter l’effet de l’annulation des grands évènements sportifs de l’été, qui représentent à chaque fois un surcroît naturel d’investissements. Les chaînes n’auront pas d’autres choix que de reprendre de la valeur pour compenser cette perte colossale, et, si nous, agences médias, seront en charge de la contrôler au mieux, le média télévision connaîtra une inflation forte au quatrième trimestre, que nous estimons en France à 15%. Et nous nous devrons de l’accepter en partie, quand elle sera justifiée par l’encombrement et la reprise de la consommation des ménages.
 
L’affichage, quant à lui, est le média qui est le plus contraint par son business model quant à sa capacité de rattraper les pertes qu’il aura enregistré pendant le confinement. En effet, le business model de l’affichage s’apparente à un avion qui partirait tous les jours à heures fixes. S’il est plein, tant mieux. S’il est vide, c’est pareil : il partira quoi qu’il en soit.  Aussi, l’affichage, pour rattraper des pertes que nous estimons à 70% pendant le confinement, devra jouer à plein la carte du retour progressif des Français dans les rues, dans les moyens de transport et dans les gares, dès le 11 mai, et démontrer sa capacité à délivrer des messages de marque forts, parce que la demande pour une consommation immédiate ne sera pas encore là. Dès le quatrième trimestre, comme pour la télévision, l’affichage connaîtra un encombrement fort, qui engendrera une inflation que nous estimons à 20% au quatrième trimestre.
 
Mais ces augmentations tarifaires arriveront trop tard dans l’année pour compenser les pertes lourdes accumulées pendant les deuxième et troisième trimestres. Comme beaucoup, j’appelle donc de mes vœux un mécanisme d’aide gouvernementale encourageant les annonceurs à reprendre leurs investissements au plus vite. Le crédit d’impôt communication est à l’étude. Mais il existe d’autres voies, comme celle que j’ai recommandée, l’immobilisation des dépenses de communication consenties aux deuxièmes et troisièmes trimestres, qui produiraient les mêmes effets pour les annonceurs et les médias qu’un crédit d’impôt, mais sans rien coûter à l’Etat. Mais quel que soit le mécanisme, pour aider ces médias qui ont tant fait pour continuer à assurer leur mission pendant la crise, il en faudra un, et, si possible, pointé plus directement vers les médias français.
 
100%MEDIA : Quels conseils donnez-vous à vos clients pour accompagner la sortie du confinement ?
 
B-B : Mes conseils tiennent en deux mots : long terme et pertinence. Depuis longtemps, les marques sont challengées par nos concitoyens, qui sont en attente de plus de sens, et souhaitent que les marques prennent en compte leur rôle sociétal, dans leurs postures, leur attitude vis-à-vis de la société et de ceux qui les consomment. Nous l’avions mis à jour dans l’étude sur l’état des Cultures en France, que nous avons publiée en juillet 2019. La crise aura considérablement accéléré l’émergence des sous-cultures que nous avions révélées à l’époque et, plus que jamais, aura créé un fossé entre les marques qui se montrent sociétales et qui acceptent pour le long terme de rendre service à court terme, et les autres, qui auront continué de déclamer dans le vide un discours purement commercial ou promotionnel.
 
L’utilité sociétale, la non dépendance à des approvisionnements lointains, la traçabilité, la générosité seront les valeurs clés de la communication de demain, et entreront en résonance avec ce que les Français attendaient de plus en plus. Ces attentes avaient commencé à se cristalliser dans le mouvement des gilets jaunes, mais n’étaient pas encore mainstream. Comme le dit Boris Cyrulnik, toute crise de grande ampleur comme celle que nous vivons actuellement est à l’origine d’un changement profond de cultures. Nous y sommes, et la crise aura joué sur les sous-cultures que nous avions vues émerger dans la société française un formidable rôle d’accélération.
 
La communication de demain n’aura plus les mêmes règles qu’avant, et ce qui était toléré avant par le consommateur ne le sera plus. A ce titre, les changements d’image de marque et de considération que nous observons dans notre Newsletter hebdomadaire depuis le début de la crise sont éloquents.
 
Il y a les marques qui parlent dans le vide, celles qui montrent qu’elles contribuent à la société pendant la crise, et celles qui sont absentes. Notre devoir, en tant qu’agence, est de faire en sorte que nos annonceurs ne pâtissent pas de la crise et qu’ils en ressortent les plus forts possible, et je gage que la relation annonceur-agence ressortira largement renforcée de cette crise inédite.

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